Exposition Lieu Unique

article du Monde par Frédéric Edelmann

Joli moment de grâce. Le Lieu Unique, ancien édifice mythique des biscuiteries LU reconverti en lieu magique de la culture, dirigé par Jean Blaize, accueille Team Zoo. Cet assemblage de concepteurs japonais, tous architectes, fait preuve du même esprit de perfection ludique, du même sens de la liberté, de l’insolence pondérée, de la générosité enfin, qui caractérisent le centre nantais, cousin germain, par son esprit voyageur, de la troupe Royal de Luxe animée par Jean-Luc Courcoult.

La grande salle d’exposition qui jouxte le théâtre africanisé, du sol au plafond, de tambours et tapis sous l’inconduite ordinaire de l’architecte Patrick Bouchain, a été remplie d’une « installation » labyrinthique, légère architecture de bois : « Perches de châtaignier, troncs de bouleaux, écorces, sarments de vigne, ardoises, filets anti-oiseaux, cagettes et autres matériaux vernaculaires récupérés auprès des maraîchers ou ostréiculteurs », énumère poétiquement Patricia Solini, responsable des arts plastiques, qui a craqué devant la proposition de Patrice Goulet de faire venir les zoulous de Team Zoo. « Installation », parce qu’on ne saurait mélanger les genres lorsqu’on est subventionné sur la ligne arts plastiques. Elle a cependant été conçue, prétendument de façon spontanée, par les mains expertes des Japonais qui se sont adjoint les talents des étudiants de l’école d’architecture de Nantes. Une association bien dans la logique du groupe qui, dans ce superbe conglomérat de castors, revient aux racines de l’architecture pour faire d’abord oeuvre de pédagogie.

Pieds nus, soyez d’abord aveugle et suivez, en sentant vos pas sur les matériaux de la forêt, le fil mystérieux de l’espace, vérifiant ici ou là la proximité des cieux par quelques gnons sur le crâne. Puis soyez hyène, ou chien, ou singe, et découvrez votre tanière de prédilection, enfouie, perchée, sombre ou claire, sèche ou humide. Ce n’est qu’après l’exploration de cette architecture-sculpture, mi-post-bab, mi-écolo, mais sans naïveté, que vous accéderez à la suite du programme : des dessins butinés dans les paysages et les villes du Japon, manière de rappeler avec force qu’il n’y a pas d’architecture sans contexte.